Kael marchait aux côtés de l'elfe d'un pas plutôt machinal, il se sentait un peu angoissé.
Il repensa à ce qu'il avait fait ces trois derniers jours, en attendant la date de son rendez-vous avec Rose. Jamais il n'avait entreprit de plans à aussi long terme, jamais il ne s'était laissé aller ainsi à prévoir l'avenir avec autant d'anticipation.
Un animal se contentait de vivre l'instant présent, il ne prévoyait que très peu, ou pas du tout l'avenir, il improvisait sans cesse, et c'est cela qui qui forgeait son instinct. Mais en de telles circonstances, il n'avait pas eu le choix : pour la première fois de sa vie, il avait ressentit de l'angoisse. Mais cela n'était que passager, il le savait.

Avant de se rendre au point de rencontre avec l'elfe, il avait fait un détour par la maison de la famille Escher. La célèbre et vaste famille fondée par Lionel Escher dont chaque membre avait reçu une formation martiale.
Il y était toujours le bienvenu, il le savait, mais il avait hésité avant de frapper à la lourde porte en bois massif. Ces derniers jours avaient été pour le moins mouvementés pour lui, et il se sentait plutôt troublé.
Un jeune homme de son âge, mais plus grand que lui encore, c'était présenté à la porte avec un grand sourire avec un grand sourire ravi et joyeux, sûr de lui. Il avait accueillit le vieil ami de la famille avec une tape dans le dos qui aurait pu lui décrocher les poumons et le fit rentrer.
Une partie de la famille était attablée pour le petit déjeuner, il offrirent divers sourires et signes de main à leur invité, lui offrant même une brioche au passage.
Celui ci l'accepta et croqua dedans sans trop de conviction, se rendant au troisième étage de la grande maison. Il cherchait quelqu'un en particulier, une personne dont il savait qu'elle serait certainement encore entrain de dormir.
Arrivé devant la porte de sa chambre, il plissa le nez : l'odeur de linge sale, de transpiration et de renfermé étaient vraiment fortes.
Sans même frapper, il ouvrit doucement la porte, découvrant un capharnaüm incroyable.
Il ne vit cela dit pas la personne censée occuper les lieux ; et même si elle y était, son odeur était trop omniprésente dans toute la pièce pour qu'il la repère précisément.

-Till ?

Appela-t-il en jetant des regards un peu partout.
Mais tout ce qui lui répondit fut un ronflement venant d'au dessus de lui. Il leva les yeux et afficha une expression perdu entre la fatigue et la circonspection... La créature s'était construit un hamac avec un vieux filet de pêche en le tendant entre deux poutres.

Réveille toi.

Demanda-t-il sans patience.
Le corps inerte bougea alors lentement et se tourna dans un mugissement digne d'un vieil animal qui se réveil d'une sieste au soleil.
Puis Till roula doucement, sur le point de tomber de son perchoir. Anticipant la chute, Kael tendit les bras, mais fut prit de court avant de sursauter.

-Bouh !

Avait clamée une voix dont on aurait su dire si elle était masculine ou féminine.
Till s'était en fait rattrapée au dernier moment moment en pliant les genoux, pendant de son hamac comme un singe de sa branche. Elle avait un large sourire amusé, prête à éclater de rire, et se balançait doucement, les bras croisés sur sa poitrine, très fière de son coup.
Kael avait porté une main à sa poitrine, sa respiration s'était accélérée sur le coup. La demoiselle, puisqu'il semblait que s'en était une, tendit alors son poing fermé à son invité.

Kael ! Comment va ?

Affichant un drôle de sourire, l’intéressé tendit son poing de la même manière pour venir toucher celui de la turbulente demoiselle. C'était sa manière de saluer les gens qu'elle aimait bien, pour certaines raisons.

-Tu risque d'avoir un choc... Mais j'ai décidé de...
 
Il lui chuchota ses derniers mots à l'oreille.
Et en effet, une expression sérieuse était apparue sur le visage de Till. Et une acrobatie plus tard, elle se retrouva debout devant Kael, lui jetant un regard surpris.
Elle bailla alors et s'étira, passant une main sous sa culotte pour se gratter une fesse avant de s'ébouriffer les cheveux. Pas très élégante, plutôt garçon manqué, mais elle avait tout de même un certain charme, de part son physique et sa personnalité attachante.

-Pourquoi ?

Demanda-t-elle sur le ton de la conversation.

-Pour pouvoir me battre.

-Tu t'es décidé à être un guerrier ?

-Oui.

-Tu viens m'demander en mariage pour rejoindre la famille ?

-Non.

-...T'as perdu ton humour ou t'en a jamais eu ?!

S'exclama-t-elle en éclatant de rire et en donnant de grandes tapes sur l'épaules de son invité.
Elle prenait toujours tout à la légère en apparence, mais au fond, il savait qu'elle comprenait bien la situation. C'était le genre de personne à essayer de relativiser.

-En fait, j'ai un service à te demander.

-Vas y !

-Annonce la nouvelle à ta famille, mais dis leur que t'étais sensé garder le secret.

Elle eut un sourire un peu plus franc, complice.

-Je vois... C'est mieux qu'ils croient que t'ai voulu garder ça secret ?

-C'est ça.

Till bailla de nouveau et s'étira encore, se dirigeant vers le couloir.

-J'ai la dalle, tu manges avec nous ?

Dit elle en piquant le morceau de brioche que Kael tenait toujours dans sa main.

-Non, j'dois aller quelque part.

Il suivit alors la demoiselle et ils descendirent les marches.

Tu compte y aller en sous-vêtement ?

-Rooh, ça va, j'suis pas à poil.

Répondit elle simplement en faisant un geste distrait de la main.

Une fois sortit de la maison, l'hybride s'était donc rendu à l'endroit ou il devait retrouver Rose.
Et c'est ainsi qu'il s'était retrouvé à marché à ses côtés, tout le temps qu'il avait fallut pour arriver jusque sur le territoire des elfes.
Le voyage s'était plutôt bien passé, si l'on exceptait le trac que ressentait Kael, vis à vis de l'elfe, mais aussi vis à vis de sa décision.
Sa compagne de voyage commença alors à commenter la beauté du paysage, faisant la conversation avec un naturel attachant. Comme elle avait raison. Non seulement cette nature était belle pour les yeux, mais aussi pour les narines. L'air semblait plus pur et les odeurs agréablement différentes.

-Oui, vous avez raison. La vue me plait beaucoup. Dit il en plongeant son regard dans le sien. Mais ne vous faites pas de soucis, j'ai l'habitude des longs voyages.

Il se montrait souriant ; la présence de Rose à ses côtés avait le don de le réconforter, d'effacer ses soucis pour laisser place à un sentiment plus agréable.
Il s’arrêtèrent alors face à une grande bâtisse, une magnifique maison ou l'elfe dit avoir grandit. L'architecture elfique était vraiment intéressante en tout cas.
Une drôle d'odeur de poussière émanait de la construction, n'était elle pas habitée ?
Il se laissa entrainer par la main, suivant le pas de Rose avec un léger sourire.
La visite de l’intérieur lui confirma alors ce qu'il pensait : plus personne ne vivait ici. Pourtant l'endroit ne manquait pas de charme. Tout était couvert de poussière, laissé à l'abandon, ce la rendait l’atmosphère un peu triste.
Il vint alors s'asseoir au côté de l'elfe, sur le divan dont elle venait de chasser la poussière, et dit à quel point elle était heureuse de la présence de Kael ici.
Ce dernier sourit alors doucement.

Moi, c'est votre présence qui me rassure...
Et je suis touché par les sentiments que vous m'exprimez. Et je dois dire que... Que... J'éprouve autant de tendresse à votre égard.

Il était si proche d'elle qu'il sentait sa respiration, ses beaux yeux d’émeraude le fixant doucement.

Mais même si je ne suis pas l'homme qu'il vous faut... J'aimerais continuer à partager de précieux moments avec vous. Il secoua doucement la tête. Non, avec toi.

Fit il en retrouvant un sourire plus rayonnant.

Kael était déjà emplie d'angoisse avant de rejoindre l'elfe pour ce grand voyage... Mais à présent, il avait un nœud à l'estomac, une boule dans la gorge ; jamais il ne s'était senti aussi mal à l'aise et anxieux par anticipation.
Complètement méconnaissant des choses de l'amour et de la complexité du cœur des femmes, il n'avait jamais eu d'autre modèle que la relation entre ses deux parents : froide et distante.
Il avait cependant essayé de choisir les bons mots, tenté de faire comprendre ses sentiments à Rose ; et même si au départ celle si semblait émue par ce qu'il lui disait, le ton de sa voix changea petit à petit sans que l'hybride n'ai eu le temps de comprendre.

Que voulait elle dire par la ? Il avait fait preuve d'humilité envers elle, et elle semblait le prendre comme une insulte. Qu'avait il dit ?
N'allait elle pas essayer de lui assurer le contraire ? Puisqu'elle semblait tenir à lui, du moins c'est ce qu'il pensait, pourquoi ne pas le retenir ?...

Quelque part, il se sentait mal, il avait l'impression d'avoir commit une erreur à son insu qui avait déclenchée la colère de Rose...
Mais pourquoi ?

Il avait envie de s'en aller, de courir toute la nuit en direction du territoire humain et de ne plus se retourner, d'oublier tout cela, d'oublier l'humiliation qu'il ressentait.
Mais il n'était pas du genre à abandonner si facilement. Alors en suivant l'odeur de l'elfe par dessus celle omniprésente de la poussière, il la trouva dans une des chambres de la maison.

-Rose... Je. Il toussa, ayant respiré un peu trop fort pour suivre son odeur, de la poussière ayant envahie sa gorge. En vous disant cela je n'essayais en aucun cas de... De décider à votre place. Il tremblait. Était ce cela le trac ? Mais je suis un homme peu fiable... Et... Ce qu'il s'apprêtait à dire était un mensonge, il le savait, mais un mensonge qui serait bientôt une vérité. Je suis un Lycan !

Il restait figé la, dans l'embrasure de la porte, serrant les dents pour ne pas trembler, fixant l'elfe d'un regard qu'il n'avait jamais eut auparavant : plein d’appréhension et de frustration.
Il ne comprenait toujours pas sa réaction de tout à l'heure, elle qui avait toujours semblé si douce et pleine d'empathie...
Le souvenir du gout de ses lèvres se faisait légèrement amer à présent. Peut être avait il été stupide d'essayer de lui plaire. Encore plus de l'embrasser. Il se sentait mal. Il se sentait sale en fait... Et cela le mettait inexplicablement en colère.