|~0•:.La traversée avait été très difficile. Les Chemins Abandonnées conduisant aux ruines étaient le territoire des bêtes sauvages. On ne peut s'imaginer l'emprise de la nature qu'une fois qu'on les a traversé. Au début, s'étant un lac de sable. Un immense terrain vague. Quelques rochers polis par le vent continu, ici et là. Puis plus on avance, plus la végétation apparaît. Mais pas une végétation luxuriante et verdoyante, non, une végétation clairsemée et sèche. Un buisson brûlé par le soleil, la souche d'un arbre foudroyé, l'herbe sèche qui empiète sur le chemin. Des yeux qui nous guettent du haut du ciel bleu, contrastant avec les teintes chaudes du paysage. Le plus sidérant, c'est au coucher du soleil. Les teintes orangées du ciel s'allient parfaitement avec celles ocres du sable. C'est dans ce paysage de feu, que, tenant Dialga par la bride, j'arrivais aux ruines.

L'ambiance changeait. Devenant quasi-surnaturelle avec ce ciel de feu, le soleil disparaissant derrière les restes de bâtiments. Les colonnes gravées laissaient penser à un ancien temple grandiose. Le temps semblait s'être figé. Le silence y régnait en maître absolue. Le vent soulevait le sable, et les herbes desséchées. Je m'arrêtais, ma monture faisant de même. Elle s'ébroua et une fine pellicule de poussière s'éleva dans l'air pesant du soir. Je soupirais. J'allais avoir du boulot pour trouver ce trésor enfouie quelque part là-dedans. Les ruines s'étendaient encore au-delà de mon regard. Un véritable petit village, dédié au culte. Dire qu'avant la guerre, tout était verdoyant, magnifique et immense... Là, les restes d'un hôtel avec une arche qui soutenait son haut-plafond. Ici, ce devait être une bassine d'eau sainte. La coupole était finement sculptée, ébréchée à certains endroit et bien sûr, vide. Plus loin, une série d'arche ouverte avec un sol en pierre sculpté, donnait l'impression d'un ancien observatoire. Tout était calme, trop calme. C'était pesant. Et sec. Heureusement que j'avais remplie ma gourde plutôt. Je bus une gorgée avant de décider d’entamer les préparatifs.

Pour éviter de me faire repérer, j'avais voyagé incognito dans ma tenue de jour, celle d'herboriste. J'avais même pris des herbes, dont certaines comestibles au cas-où. Mais elle s'était couverte de terre rouge. Enfin de toute manière, je comptais me changer. L'endroit était désert, ça tombait bien. Je menais mon étalon un peu plus loin, là où un pan de mur avait été épargné. Juste à côté se trouver un rocher,  plus petit. Je posais mon sac dessus, et enleva la bride à Dialga après une tape sur l'encolure. Je le laissais aller et venir à sa guise, il n'ira pas loin de toute manière. Je lâchais mes cheveux, secouant la tête. Puis j'ouvris mon sac et sortis ma cape, mes vêtements de cuir, mon armures et mes dagues que je posais à côté. Je me déshabillais face au mur, en prenant mon temps. Le vent chaud caressait ma peau nue, me chatouillant, ce qui me fis rire. J'enfilais la combi sans manches de cuir, avant de mettre par-dessus mon buste en armure, puis mes bottes.

J'attachais tranquillement mes cheveux quand mon cheval piaffa. Je relevais la tête en alerte et me retourna, scrutant les ruines. Le soleil laissait petit à petit place à l'obscurité. Je ne vis rien de particulier, à part Dialga grattant le sol avec son sabot en soufflant. Je me redressais, suspicieuse. Je n'étais peut être pas si seule que sa en fin de compte. J'enfilais mes gants d'acier et ma ceinture où j'accrochais mes dagues. Un bruissement retentit. Je me retournais de nouveau d'un coup sec, dégainant mes dagues dans le même élan. Ma queue de cheval virevolta avec moi, donnant un effet de style qui me fit sourire. Je ne vis rien, mais ma monture se rapprocha de moi, quémandant une caresse, pour se rassurer. Je rangeais mes dagues, avant de passer un bras autour de son cou. Je lui déposais un bisous sur les naseaux avant d'enfiler ma cape d'un geste ample. Je rangeais le sac sur son dos, pour prendre mon arc et le mettre sur le mien. Je glissais discrètement une mini-dague dans ma botte et une autre dans la broche de mes cheveux. Un véritable passe-partout.

Ma transformation devait être spectaculaire. Passant d'une elfe peu vêtue, en apparence douce à une autre armée jusqu'au dent, vêtue de noir tout en restant sexy. J'étais contente. Cette fois-ci du gravier crissa. Je me mis en position de défense, arc bandé à mort. Je criais:

- Qui êtes-vous ! Montrez -vous !

Ma voix se perdit avec l'écho. Je me rapprochais petit à petit du bruit. Je ne me cachais pas, loin de là. J'étais attentive au moindre bruit suspect. Dialga était resté là où je m'étais changé. Je ne voulais pas qu'une de mes flèches le transperce, par accident.

Je rentrais des les ruines d'u ancien temple, le mieux conservé. Il y avait un trou énorme dans le plafond, jetant une curieuse lueur  l’intérieur. Je restais sur mes gardes, gardant l'arc à la main. Mes pas résonnaient à travers le long couloir. Je guettais la moindre ombre qui bouge, le moindre petit caillou qui tombe...
J'étais à l'affût.

La peur. La peur qui nous noue la gorge et vous tord les entrailles. Cette peur qui vous fait perler la sueur sur le front et courir un frisson glacé le long de l'échine. La peur de la mort, tout simplement. La peur de cet inconnu froid et sans retour. Blottit dans une anfractuosité entre deux énormes blocs écroulés, dans le couloir d'un temple en ruine, Jeremiah avait peur. Peur de mourir, peur de ce qui rodait dans et sous ses ruines, qui l'avait traqué toute la journée dans ces infâmes souterrains. Recroquevillé les genoux dans les bras, son bâton d'argent serré contre lui, la respiration oppressée et les yeux inquiets, Jeremiah maudissait entre deux pensées pleines d'angoisse les jours qui l'avaient conduit à se trouver là, en un tel endroit, la peur au ventre et les yeux fous d'angoisse.

Deux semaines auparavant, Jeremiah franchissait la frontière d'Angaïla, vêtu de sa pèlerine, le rebord de son capuchon rabattu sur ses yeux et une barbe fournie lui mangeant le visage. Ainsi il réussirait bien à tromper les nains qu'il pourrait croiser sur sa véritable nature. Empruntant les chemins détournés, évitant soigneusement les abords de Kazad Duraz, Jeremiah ne fut aperçu que par un nain ivre mort qui cuvait à moitié conscient dans un fossé au bord du chemin, échoué là après une soirée qui avait été très probablement mémorable. Jeremiah appréciait les nains, bien que ceux-ci ne lui rendissent pas la pareille. Il aimait leur franc parler, leurs manières amicales et enjouées une fois le premier tonneau vidé, et surtout leur immense savoir. Jeremiah tuerait probablement pour obtenir quelques secrets de maitres nains. Mais bien sûr à coté de cela il y avait leur insupportable vulgarité, leur caractère épouvantable et une très mauvaise hygiène de vie, choses qu'un elfe, ascète de nature, ne pouvait comprendre. En cette occasion-ci, la question ne se posait pas, et c'est bien comme une ombre que Jeremiah traversa les terres naniques du Nord au Sud, vers les ruines de Mhornar, le but de sa quête. Une quête fabuleuse, comme en parlent les livres, la quête d'un fantastique butin, mais pour lui d'une nature bien différente de l'image que s'en feraient le commun des mortels. Lui recherchait un antique parchemin, ces parchemins un jour créés par les plus puissants des mages pour graver dans l'éternité un peu de leur immense savoir magique, afin que les non-initiés en bénéficient. Cette démarche était fort altruiste, mais aujourd'hui ces parchemins étaient paradoxalement l'objet des plus égoïstes convoitises. Et Jeremiah admettait volontiers l'ironie de la chose. Il voulait ce parchemin et tout ce qui allait avec. D'abord pour lui, et ensuite pour Evanya.
Une fois parvenu aux ruines, il lui avait fallut du temps avant de trouver l'entrée du temple, mais grâce aux copies d'archives naniques obtenues d'une manière peu recommandable il y avait des années de cela, Jeremiah réussissait à s'orienter sans difficulté. Après quelques travaux manuels pour dégager une entrée, il s'était aventuré dans un large tunnel effondré par endroits, dans les profondeurs. Et c'est à cet instant qu'il "les" avait rencontrés. "Ils" étaient une multitude, une multitude d'horreurs, tels une vivante marée immonde qui déferle sur vous à grande vitesse. Rendus enragées par l'éclat du bâton d'argent de Jeremiah, elles l'avaient traqué comme un animal, des heures durant, et finalement son salut n'avait été que dans l'extérieur, la lumière du jour et ses bienfaits protecteurs. Mais l'horreur l'avait suivi jusque là, et rôdait à l'ombre des pierres. Et Jeremiah s'était terré derrière un tas de pierre, dans le couloir d'un vieux temple en ruine, la peur au ventre, espérant, priant Sên pour que ce qui l'avait poursuivi soit rentré dans les ténèbres et ait cessé de le suivre. La respiration saccadée, il veillait à ne pas faire le moindre bruit, il "les" savait très fines d'audition.
Au bout d'un long instant, et tandis que le soleil se couchait, Jeremiah commençait à mieux respirer et à se détendre, il n'entendait pas le moindre bruit, hormis quelques sons venant de l'extérieur, mais du coté de la forêt, et il les attribua plutôt à de petits animaux. Soupirant, il étendit ses jambes, faisant rouler les cailloux sous ses semelles. Son souffle se calmait, et alors qu'il était sur le point de se ressaisir et de se lever à pas de loup pour se sauver d'ici, un grand cri brisa le silence comme un coup de tonnerre :

- Qui êtes-vous ! Montrez -vous !


Le cœur de Jeremiah manqua un battement, et il fit un bond spectaculaire dans sa poitrine. Les yeux affolés, les dents serrés par la peur, Jeremiah se rencogna en rampant, regardant en tous sens, maudissant ce cri et la personne qui l'avait poussé. "Ils" allaient entendre, "ils" allaient revenir. C'était sa plus grande angoisse. Caché derrière son rocher, Jeremiah appréhendait nerveusement la suite des évènements, déglutissant avec peine. Quelques instants plus tard, il vit pénetrer dans les ruines obscurcies par le crépuscule une jeune femme, vêtue d'une tenue noire très près du corps, manifestement une guerrière, en position de combat et l'arc à la main. Jeremiah eut un mouvement de recul instinctif en voyant l'arme, mais en cet instant, la répugnance naturelle qu'il éprouvait à la vue d'une arme n'était pas le cadet de ses soucis. L'inconsciente !
Émergeant à moitié de sa cachette, Jeremiah lui lança à demi-voix :

"Taisez-vous donc malheureuse ! Voulez-vous qu'ils nous trouvent ?"


Se redressant, il la saisit impérieusement par le bras, et la tira jusqu'à sa cachette, jetant des regards anxieux alentour. Se serrant à nouveau contre le rocher, étreignant son bâton d'argent, Jeremiah avait déjà moins peur, le fait de ne plus être seul l'avait rassuré, comme quoi la peur s'épanouit dans la solitude. Après un nouveau regard jeté au couloir, il se tourna à nouveau vers elle et lui jeta :

"Quelle folie vous a donc saisie pour crier ainsi ?"

|~0•:.Sa voix me surpris tellement que j'ai failli tirer, juste avant de reconnaître des oreilles pointues. Je me retins juste à temps. Il y avait de la peur dans son ton mais aucune menace. Au contraire, c'était un conseil qu'il me donnait. Bizarrement, quand son bras fort et noueux me saisit je ne me dégageais pas. Je sentais qu'il y avait quelque chose d'anormal. Je me lassais donc faire, restant accroupie avec l'elfe derrière un rocher.

Je le détaillais. Grand plutôt âgé. Enfin l'âge des elfes est très difficile à déterminer, du fait qu'on ne vieillissait pas normalement. Il avait peur cela se voyait à ses yeux marrons. Des cheveux longs bruns, comme sa barbe de trois jours qu'il laissait pousser. Bizarre, je pensais que les elfes étaient tous imberbes... Enfin. Des mains noueuses, des bras forts et son corps recouvert d'un cape bleue. Son torse se soulevait assez vite. Il se tourna vers moi et me demanda sur un ton de reproche:

-""Quelle folie vous a donc saisie pour crier ainsi ?"

Je tournais la tête afin de planter mon regard doré dans le sien. La peur que je sentais me frappa avec toute sa force. Il était carrément terrifié oui ! De quoi je ne savais pas. D'ailleurs je lui répondis:

-"Et bien figurez-vous que nous sommes pas seul. Enfin apparemment vous le savez déjà. C'est vous qui avez fait tomber les cailloux. Mais vous avez peur de quoi au juste ? C'est un temps doit juste y avoir des bestioles comme dans tous les lieux anciens et sacré et encore plein de piège pour pas qu'on vole je sais pas trop quoi. Sérieusement, vous êtes trouillard."

J'avais dis tout ceci d'un air lassé et détaché. En même temps cela faisait longtemps que je travaillais pour les Rhaws. Très longtemps. Une vie d'humain même, je crois. Tout cela devenait un quotidien, une habitude à prendre. Bien que chaque aventure soit unique en son genre et réserve son lot de surprise, le principe restait le même. Je suppose qu'il y avait de jolie créature qui attendaient juste que l'on mette un orteils sur leur territoire pour nous manger tout cru. Je ne sais quelle bestiole encore, et je soupirais. J'allais encore me salir. Enfin bon. C'était mon boulot. Je regardais le soleil déclinait de plus en plus à travers le trou du plafond. La nuit commençait à tomber, pour ne rien arranger. Je finis par lui demander, d'un ton plus gentils:

-"Bon j'ai pas toute ma nuit, personnellement. J'ai autre chose à faire. Donc maintenant, auriez-vous la gentillesse de me dire ce que vous savez ? Et qu'est-ce qu'on fait, vu que vous m'avez mis dans une belle posture !"

Et oui, encore une fois, je me retrouvais dans une histoire pas croyable. Comme toujours...

|~0•:.Des Scorpianis ? C'est vrai que ces saletés pullulent sur les terres naines. Et dans des ruines sombres, et légèrement humides, rien de mieux. Un nain ou autre race qui passe trop près de leur nid se fond empalé sur leur dard, avant même qu'il ne réagissent. Mais j'en avais déjà affronté, cela ne devait pas être très sorcier. A condition que le nid entier ne ramène pas leur mâchoire pleine de dent qui n'attendent que de la chair fraîche. L'elfe me prévint que ces bestioles devaient être réveillée, à cause de mon cri. Mmh. Pas bon ça. Mais apparemment, il voulait s'allier. Je l'aidais à passer, en échange il me laissait le trésor. Je ne pus m'empêcher de rire, enfin un rire étouffé enfin de ne pas alerter les monstres.

-"Excusez-moi, mais je n'ai que faire du trésor. Je vais certainement me servir un peu, pour régler des dettes, mais ce n'est pas sa mon but."

Je ne le précisais pas, il n'avait pas besoin de savoir. Je grognais, en citant mes dettes. Des dettes de jeu, en plus, un pari stupide que j'avais fais avec un elfe de ma tribu. Il était bien plus jeune que moi, et je l'avais défier au concours de l'arbre. Celui qui grimpait le plus vite. Je l'avais sous-estimé. Sa jeunesse lui permettait d'être encore très très souple. Bien que je le sois aussi, le temps m'avait un peu enlevé de la souplesse d'antan. J'avais perdu de si peu, seulement d'une branche. J'avais pesté, mais j'honorais toujours mes dettes. C'est pourquoi j'avais accepter la mission dans les ruines d'Angaïla. Je devais ramener une pierre, sur lesquelles des runes étaient gravées. Pourquoi ? Bien sûr, je ne savais pas, car moins j'en savais, mieux c'est si j'étais prise pour pillage. J'avais quand même mener ma petit enquête dans une bibliothèque, et apparemment, ces runes menaient à d'autre rune et ainsi de suite jusqu'à un immense trésor. Mais pas que. Le trésor se trouvait dans un lieu fabuleux, qui défiait toute imagination humaine/elfique/vampirique/nanique/lycane et centaurique. Une cascade, sois-disant magique y coulait, et ses eaux avaient des propriétés qui défiaient l'entendement. Mais la magie était banni en Ephaëlya, je n'y croyais pas trop. Mais c'était beau de rêver.

Il se leva, et me tendit la main, pour m'aider et sûrement sceller notre accord. Je la saisis, et lui souris. Elle était chaude, rugueuse, une vrai main d'homme quoi. Je déviais un oeil sur son espèce de sceptre. Couverte de rune aussi... Il n'était donc pas là pour le trésor, mais pour ces fameuses runes aussi ? Ceci me troubla au plus au point. Je n'avais pas envie de me battre contre lui, surtout après un nid de Scopianis. Tout ceci dura une fraction de seconde, avant que je relève la tête. Il me demanda si je n'avais pas mieux à faire, sur un ton amusé. Je lui répondis, de la même manière:

-"Et bien non, voyez-vous, les Scorpianis m'aiment tellement, que je vais aller leur tenir compagnie."

Avec un énorme sourire. Puis je me repris. Il fallait qu'on se débarrasse de ses gêneur, et ayant prévue le coup, j'avais justement les fioles adéquates. Mon cerveau avait déjà échafaudé un plan, et j'en fis part à mon nouvelle allié:

-"Ces bestioles craignent la lumière, et leur bouche leur servant de nez aussi, est très sensible. J'ai ici, des fioles, qui émettent un flash de lumière et une fumée odorante quand elles explosent. Un mélange d'herbe. La fumée les empêchera pas de nous voir, mais la lumière devraient les aveugler le temps, qu'on passe devant le nid. D'après le plan des ruines, on devrait déboucher ensuite dans une grande salle lumineuse."

Où il y avait de nombreux pièges, du genre les vieux piègent ancien et oublié par tous. Oui j'étais bien informée. J'avais trouvé cette carte dans un livre, et l'avais "emprunté" provisoirement. J'espérais du fond du coeur, qu'elle était toujours juste, car elle semblait très très vieille. en même temps que je lui parlais, j'avais sortie deux fioles d'un poche à l'arrière de ma combi de cuir noire. J'ajustais ma cape aussi, pour ne pas qu'elle me gêne, et lui tendis une fiole, avec un liquide violet à l'intérieur. Juste une fleur que j'avais rajouter, pour plus de fantaisie. Bref.

Avec un énorme sourire, je lui demandais:

-"Vous êtes partant ? Un jeu d'enfant ! Vous prenez cette fiole, et vous la balancée à l'entrée du couloir, histoire d'éloigner ceux qui sont déjà alertés. Ensuite on en profite, on fonce droit dans le tas, préparez, votre épée au cas où, et moi je lancerais la seconde dans leur nid. Puis on court très vite, histoire qu'il nous rattrape pas, et normalement on devrait débouché dans une salle lumineuse, donc il devrait pas nous suivre."

Cela faisait énormément de supposition. J'en souriais. C'était toujours comme sa mes plans, et cela fonctionnait... Plus ou moins bien. Mais j'étais toujours en vie non ? en gardant mon sourire innocent, je lui indiquais:

-"Coupez leur dard en premier, il est mortel. Ensuite, l'idéal, c'est de leur transpercer la mâchoire, ils meurent sur le coup. Si vous avez pas le temps, les yeux et fuyez. Ah, et j'oubliais, fermez les yeux ou planquez-vous lorsque sa explose, c'est tellement puissant que sa vous rendrez aveugle pour deux ou trois jours., A part sa, des questions ?"

Il n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche. Un cri strident retentit, et un Scorpianis pointant le bout de son museau, ou plutôt de son dard. Je lui fourrais les fioles dans les mains, et rapide comme un éclair, bandais mon arc et tira. La flèche vient se ficher dans la mâchoire du truc. Celui-ci se convulsa et tomba, mort. Je me retournais, vers mon compatriote, et pris une fiole.

-"Cela vous convient-il ?"

De toute manière, il n'avait pas tellement le choix...

Cette elfe était intrigante, son caractère ombrageux et ses manières quelque peu hautaines, mais à n'en point douter elle connaissait son affaire sur le bout des doigts. Et par affaire, il fallait comprendre le danger. Jeremiah retrouvait peu à peu les fonctions de son cerveau à mesure que le calme lui revenait. L'assurance arrogante de la guerrière avait l'avantage d'être étrangement rassurant, quoi que Jeremiah puisse penser des combattants. Cela le dérangeait quelque peu, car il se croyait le genre d'hommes à ne pas accorder outre mesure de l'importance à l'habileté aux armes. Mais il n'y pouvait rien, et en ces instants difficiles il avait bien besoin de se raccrocher à quelque chose, fut-ce une illusion, pour réfléchir calmement. Tandis que la jeune femme prenait sa main, Jeremiah sentit ses doigts fins mais solides, habitués à la garde d'une épée, et tandis qu'il la relevait il s'attarda un peu plus sur elle. Sa tenue était très étrange, elle n'offrait que peu de protection et semblait avoir été conçue pour se fondre dans la nuit. Et qui cherche avant tout à être discret et libre de ses mouvements dans le noir, hormis les voleurs et les assassins ? Peu de monde. Mais Jeremiah ne pouvait laisser ces réflexions nuire à leur collaboration, il en aurait tout le loisir plus tard. Il lui fallait se concentrer sur son environnement. Mais il ne pouvait s'empêcher d'être intrigué par les paroles de la guerrière, comme s'il brulait du désir de percer les secrets que recelaient ses mots. Elle ne s'intéressait pas à l'or ? Parfait, son choix n'en serait que plus large. Pourquoi lui parlait-elle de ses dettes ? Avait-elle réellement besoin de les mentionner ? Cette jeune femme combinait une attitude des plus mystérieuses à quelques révélations discrètes. Au moins de manquait-elle pas d'humour, et Jeremiah sourit en coin en entendant sa réponse à sa dernière tirade. Peut-être pourraient-ils faire du bon travail ensemble. Tandis qu'il assurait sa besace sur son épaule et rabaissait son capuchon sur sa tête, Jeremiah écouta la combattante lui expliquer son plan, et très rapidement l'agacement qu'il avait ressenti lui revint au nez. Qu'avait-elle à lui faire un cours sur les Scorpianis ? Pour qui le prenait-elle ? Il savait déjà tout cela, de même que la géographie des souterrains, et son plan à lui était très probablement plus fiable que son plan à elle. Toute douée qu'elle était, il était peu probable qu'elle sache comme lui comment s'y retrouver dans une bibliothèque nanique. Heureusement, la suite s’avéra plus constructive, et Jeremiah commença à apercevoir ce que sa collaboratrice voulait faire. Un plan simpliste et efficace, typique des guerriers, mais qui risquait de ne guère les mener bien loin. Il se retint toutefois d'objecter le temps qu'elle lui décrive les manières les plus efficaces pour tuer un Scorpianis. Non pas qu'il comptait les mettre en pratique un jour, il ne comptait même pas essayer aujourd'hui, trop peu confiant qu'il était en la fiabilité de sa lame, mais ces informations résultaient d'une longue expérience du combat, et elles pourraient un jour s'avérer précieuses, même si lui aussi avait ses propres tours. Alors qu'il s'apprêtait à lui dire ce qu'il pensait de ses "questions" et de son ton condescendant, comme si elle allait elle lui faire la leçon, un horrible crissement retentit. On pourrait le comparer à une centaine de craies grinçant sur un tableau noir à l'unisson. Les Scorpianis aiguisent leurs multiples crocs en les frottant les un contre les autres, et cette pensée ne rend que plus désagréable ce bruit affreux. Surpris, Jeremiah fit un grand bond en arrière en voyant émerger cette forme rouge, lui arrivant à la taille mais dont le long dard proéminent lui arrivait au-dessus de la tête. Avant même qu'il puisse réagir, la guerrière avait vidé ses mains dans les siennes, encoché une flèche et cloué la créature d'un trait diaboliquement précis. Cette habileté lui glaça le sang. Combien d'êtres pensants avaient eu à souffrir de cette précision mortelle ? Et cela s'était fait d'une manière si naturelle. Détournant son regard de la jeune femme, comme hypnotisé par son potentiel meurtrier, il s'approcha de la bête et tout en se penchant sur elle, il leva les yeux vers la jeune femme et lui lança, tout en tirant son couteau à dépecer de sa ceinture :

"C'est parfait, très joli coup. Mais permettez-moi de vous apprendre quelque chose à mon tour."


Lui indiquant de la pointe de son couteau à large lame un point situé près de la base de la queue, il expliqua : "Tirez une flèche ici, percez leur poche à venin, et la bête mourra instantanément. Ils sont sensibles à leur propre poison, curieux ne trouvez-vous pas ?"


Sur ses mots il planta sa lame jusqu'à la garde dans la bête et après avoir découpé quelques instants il tira du milieu d'une masse de chair rougeâtre un organe parfaitement rond, semblable à une sphère de cuir bouillie, et manifestement très résistante. De sa besace Jeremiah tira une fiole vide et, perçant avec mille précautions la poche, il laissa s'écouler un mince filet de venin de manière à remplir le flacon, puis il boucha et rangea le flacon puis posa la poche à venin sur un rocher près de la jeune elfe, ajoutant :

"Vous devriez tremper vos flèches là-dedans, cela pourrait bien nous sauver la vie. Non pas que je doute en votre capacité à toujours toucher votre cible en plein cœur."

conclut-il sur un sourire. Une fois son couteau essuyé et rangé, il empoigna fermement son bâton dans sa main droite et s'approcha de l'arche de pierre sous laquelle s'ouvrait la bouche sombre d'un tunnel. S'arrêtant un instant devant la bouche sombre, il considéra un instant la fiole dans sa main gauche, puis la rangea finalement dans sa besace. Son bâton heurta trois fois le sol dallé, tandis qu'il psalmodiait dans la langue des anciens elfes, et au troisième choc le globe ornant son bâton d'argent s'embrasa d'un éclat blanc irréel, assez puissant pour forcer le regard à se détourner de son cœur flamboyant. Se tournant vers la jeune guerrière, il lui lança avec un sourire complice, assez fier de son effet :

"Mieux vaut garder vos précieuses fioles pour plus tard. Si nous avons encore une chance de passer discrètement, il faut la saisir."


Puis il s'engagea dans le sombre boyau, entrainant l'éclatante lueur avec lui. Les ténèbres fuyaient à son avance pour se refermer derrière lui, laissant voir des murs faits de pierre effritée et de terre mêlées, un sol rocailleux et de temps à autre, un trait de lumière chiche filtrant du plafond. Le soleil déclinait fortement au dehors, et il fallait se hâter. Après une rapide progression ils débouchèrent dans la salle annoncée par la guerrière, dont le haut plafond crevé laissait voir un ciel enflammé par la lumière du couchant. Plusieurs tunnels s'ouvraient dans les murs couverts d'écrits antiques à moitié effacés, et par endroits le sol était jonché d'ossements, certains humanoïdes, portant encore des lambeaux de vêtements. D'autres avant eux avaient cru trouver refuge dans ce havre de lumière. L'éclat blanc du bâton balaya les inscriptions anciennes, Jeremiah passa quelques instants à les étudier, puis il tira de sa besace un calepin relié de cuir foncé et y consulta ses notes. Le tunnel menant aux caves inférieures était piégé, il le savait par les chroniques des sages-guerriers qui jadis tentèrent de percer tous les secrets des profondeurs d'Angaïla. Une quête vaine, mais dont les fragments pourraient aujourd'hui leur sauver la vie. Avisant une arche basse, il se pencha devant cette ouverture au delà de laquelle se voyait une série de marches ébréchées. Sur la pierre centrale de l'arche, un curieux pictogramme représentait un nain progressant sous un ciel de nuages chargés d'éclairs. Jeremiah réfléchit quelques instants puis un sourire satisfait se dessina sur son visage. Courbant l'échine, il avança prudemment la pointe de son bâton et appuya légèrement sur la première marche. A peine l'eut-il effleurée que cette dernière commença à s'enfoncer dans le sol. Se tournant vers la jeune guerrière, il lui dit :

"Ingénieux ne trouvez-vous pas ? Quiconque n'est pas un nain doit se courber pour passer ici. Et ce faisant il tend son cou à la lame qui se trouve probablement suspendue quelque part plus loin. La voie devrait être sûre à présent."


Se redressant, il rangea son calepin et brandit fermement son bâton d'argent, avant de poursuivre : "A vous de diriger les opérations désormais. Nous risquons de faire de mauvaises rencontres aux niveaux inférieurs, le nid se rapproche. Je me tiens prêt à lancer votre fiole à votre signal."

La partie la plus serrée allait se jouer maintenant. S'il était possible de semer la panique dans leur nid et d'en profiter, il valait toutefois mieux tenter de s'infiltrer silencieusement dans les galeries jusqu'à la salle du trésor, cela leur laisserait plus de temps pour étudier les lieux et s'emparer du butin le plus précieux. Et ces salles devaient être magnifiques à étudier, Jeremiah était impatient de les explorer.

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